Comment vas-tu, yau de poële ?
C'était un jour semble-t-il banal, un mercredi comme il y en avait tant
eu depuis des années. J'arrivais à mon poste de bonne heure (ceci est
une fiction) et m'asseyait tranquillement afin de vaquer à mes
occupations quotidiennes. Ensuite, le ballet des travailleurs devint
continu, comme une plage dont les vagues s'écraseraient lentement sur
le sable fin d'une région ensoleillée et paradisiaque (ceci est une
fiction). Et alors que les poignées de mains et les bises se succèdent
couplées à des "bonjour" classiques mais toujours sympathiques, des
phrases monotones résonnent alors de façon suspecte.
C'est le cas de la petite phrase commune voyant ici le jour dans une
splendeur sans fin de boit-sans-soif : le cinglant "ça va ?", utilisé
de façon systématique et jeté par pelletées entières sur les chemins
parcourus de nos différents plateaux. La plupart du temps, cette phrase
simple devenue interjection ne demande pas forcément de réponse précise
et sincère ; après tout, un "oui" suffit amplement à remplir le rôle
d'une prémice de discussion déjà avortée avant même que la phrase ne
soit lancée sur l'autel d'une cérémonie vaudou sacrificielle.
Mais il en existe d'autre : l'exemple fantastique et grandiose du
"comme un mercredi" reste le classique du genre, aussi vague que
désinformative, mais convivialement correcte. Existe également le "ça
va", fidèle réponse bouche-trou qui permet autant de répliquer de façon
neutre que de poser par la même occasion la question similaire à
l'interlocuteur qui ne saura plus réellement quoi dire.
Cela n'a de toute façon aucune importance, car la plupart du temps cet
interlocuteur est déjà parti bien loin demander à un autre quidam
comment il allait lui, sans pour autant que cela l'affecte davantage
dans sa façon de débuter sa journée. La prochaine fois, soyez plus
psychologues et répondez "non" quand on vous demandera comment vous
allez ; ainsi, peut-être pourrez-vous entamer une discussion sincère et
épanouissante et connaître ainsi de façon plus profonde la personne que
vous ne croisiez avant que quelques secondes dans un soupir quasi
inexistant.
Toute ressemblance avec des évènements ou des personnes existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.