Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'Oeil de Lynks
24 mars 2012

Parenthèse sentimentale

La première fois qu'il la vit, il l'avait vraiment trouvée très belle. Peut-être pas le coup de foudre, mais plutôt une attirance mesurée envers un autre être à qui on semble correspondre, comme si on n'avait pas eu besoin de parler pour se comprendre, comme si le regard, la façon de se comporter et les gestes anodins de la vie courante vous éprouvaient plus encore que n'importe quoi. Et puis, la vie a poursuivi son parcours, et rien ne se passa jamais entre eux. De toute façon, il pensait que cette personne n'avait pour lui aucune attirance particulière, sinon leurs regards se seraient croisés, ou quelques mots eurent pu être échangés - quelques mots sans aucun sous-entendu, mais qui auraient pu sembler naturels, ou tout du moins leur faire partager un instant privilégié qu'ils auraient alors gardé secrètement au fond de leur cœur.
Au bout d'un certain temps, ce sentiment ressenti au départ se cristallisa, s'enterrant de lui-même sous les flots des mois s'écoulant, tant et si bien qu'on aurait pu croire que rien avant n'avait existé. Certes, il subsistait encore parfois un léger malaise quand il s'approchait trop d'elle, ou lorsqu'il fallait échanger un peu plus que des banalités pour une raison ou pour une autre; mais en tout état de cause, la subite passion ressentie lors des premiers regards eut l'air d'un lointain souvenir, d'une erreur de parcours ou d'un sentiment pas franchement établi. Chacun fit sa vie l'air de rien, se disant probablement que, finalement, c'était mieux ainsi, qu'aucun avenir n'était à rechercher dans tout cela.
Un jour de relâchement, la jeune femme ne sembla pas au plus haut de sa forme. Affecté de ressentir pareille empathie et ne pouvant décemment la laisser dans une situation où elle paraissait ne pas être au mieux, il fit le premier pas et ouvrit une brèche dans leur relation: l'intention était louable, la situation anodine, la démarche somme toute exempte de toute initiative malhonnête. Néanmoins, ils eurent la faiblesse de se parler, de se livrer ne serait-ce qu'un peu et de se trouver l'un l'autre une oreille attentive, une occasion de pouvoir échanger sereinement, une manière bien à eux de se trouver alors que rien n'aurait jamais existé sans cela.
Étrangement, ce rapprochement eut l'air logique, spontané, naturel: on aurait dit que le temps n'avait attendu que cela et que, malgré tous les efforts consentis pour l'éviter ou l'oublier, ils avaient été happés sans le vouloir par ce qui se trouvait là, quelque part, depuis le début. Pourtant, leur ressenti ne pouvait être identique sur le sujet: ils étaient des personnes fondamentalement différentes, avaient eu des vies différentes et percevaient forcément, de fait, les choses de manière différente. Du coup, ce qui aurait dû sembler normal en les rapprochant ne fit que les éloigner davantage, compliquant une relation auparavant inexistante par des sentiments confus sans fondement et sans avenir. Cela devaient-ils les empêcher d'échanger, de se comprendre, et d'avancer quelque part ?
La dernière fois qu'il la vit, il l'avait trouvée resplendissante. Ce n'était pas le coup de foudre, mais l'accomplissement d'un long apprentissage de l'autre qu'il avait fini par accepter en lui-même. Oui, il l'aimait, sans raison, sans explication, sans y voir un quelconque intérêt, et sans y voir une quelconque porte de sortie. Maintenant, il n'avait plus qu'à le regretter amèrement. Et souffrir un certain temps de ce sentiment au goût désagréable d'inachevé.

Publicité
Publicité
24 mars 2012

Parenthèse picturale

Il ne savait pas depuis combien de temps il fixait cette peinture. Tout lui avait semblé s'être arrêté, et lui-même n'avait plus conscience de sa propre existence. Seuls ses yeux liant son esprit à la toile étaient encore mobiles, concentrés, comme semblant scruter les moindres détails que l'artiste aurait laissé au moment de sa création. Ce paysage lui évoquait des souvenirs, eux-mêmes se mêlant à son imagination. Son cœur était pourtant lourd, comme angoissé, prisonnier d'une question restée sans réponse. Il resta encore là, muet, immobile, reconstituant un puzzle imaginaire, cherchant à comprendre la raison liant l'idée à l'acte.
Le temps continuait de passer, et il lui fallait maintenant quitter la galerie. Rattrapé par les banalités de la vie, les horaires, les taches quotidiennes, la préparation du lendemain, il s'éloigna lentement du tableau, comme s'il se séparait avec douleur d'une partie de lui-même. Un dernier regard, puis les yeux quittèrent le cadre pour reprendre une activité normale: le sol, les murs, les autres peintures présentes, et les quidams se déplaçant au milieu de tout cela.
Dans un angle de la galerie, un coin mal éclairé où se trouvaient une chaise et un petit meuble avec des prospectus, le regard de l'homme croisa celui d'une autre personne: une femme, sans doute d'un âge similaire au sien, les cheveux noirs, mi-longs, le regard perdu et la démarche hésitante. Ils s'arrêtèrent tous les deux lorsqu'ils se croisèrent, comme pour laisser passer l'autre dans cet endroit un peu exigu. La gêne se mêla à la maladresse d'aborder l'autre pour formuler les premiers - et peut-être les seuls - mots qu'ils s'échangeraient durant leur existence. Puis leurs regards se trouvèrent: sans savoir vraiment pourquoi, l'homme ne pouvait s'empêcher de fixer avec insistance les pupilles de la femme qui lui faisait face, comme si quelque chose - une réminiscence - venait de le traverser. Quant à la demoiselle, elle était désarmée par cette rencontre, et le simple fait que cet homme au regard interrogateur la fixait rendait confus ses pensées et ses gestes, ne lui permettant plus d'effectuer la moindre action concrète.
Au bout de plusieurs longues secondes, l'homme ressentit lui-même la gêne de fixer cette inconnue. Il recula d'un pas, balbutia quelques banalités avant de se confondre en excuses, la laissant passer. Après avoir remercié d'un geste de la tête son interlocuteur, la femme fit quelques pas, avançant lentement, comme si elle ne contrôlait plus ce qu'elle voulait faire. L'homme ne put s'empêcher de continuer à la regarder s'éloigner, comme possédé, détaillant avec autant de précision les cheveux de la jeune femme qu'il avait détaillé avec soin les contours du ruisseau s'écoulant sur le tableau. Le genre d'instant qu'il aurait voulu ne jamais voir s'arrêter, espérant à chaque instant que la personne se retourne, ou qu'un mot supplémentaire sorte de sa bouche afin de faire durer la scène.
Mais rien de tout cela ne vint. L'homme se retourna alors, sortant de la galerie, les idées confuses. La femme arriva quant à elle à la fameuse toile. Celle-là même qu'elle avait peinte, quelques semaines plus tôt. Elle la regarda à nouveau, perdue dans ses pensées, encore troublée par cette rencontre éphémère. Puis, après un temps, elle s'en alla à son tour, comme si rien de tout cela n'avait eu lieu.

22 mars 2012

Parenthèse hordienne

Un chaud soleil d'été lui brûlait littéralement la peau. Une maladie le rongeait sans doute de l'intérieur, mais qu'importe: sa passion était plus forte que le reste. Telle la virgule jaune niçoise, notre homme s'élançait sur le sable fin, s'étendant à perte de vue. Sa planche en bois sous le bras, il courait, courait jusqu'à en perdre haleine. La soif ne l'assaillait pas, la chaleur ne l'atteignait plus, le vent lui-même semblait inerte dans cet espace infini. Mais aussi loin et aussi longtemps courait-il qu'il ne trouvait son oasis de bonheur: l'océan. Où était-il donc ? Il lui semblait en effet que la mer était son seul élément, depuis toujours. Pourquoi avait-elle disparu ? Il s'arrêta. Las, debout, regardant cet astre écrasant qui le surplombait, il ne bougeait plus. Il paraissait absent, sans vie. Un long râle de désespoir vint soudainement secouer ce corps figé, puis il se remit à courir comme un forcené, sans but, sans logique, sans destination vers laquelle se tourner.
Après plusieurs minutes d'une longue et éprouvante course, il mit un genou au sol puis s'affala dans un nuage de poussière au milieu de l'immensité désertique. Le vent soufflait, doucement, lui piquant les mains et le visage. Le sable semblait pénétrer son corps par tous les pores de sa peau, comme se mouvant de lui-même. Une mer de sable ? Notre homme se releva d'un seul coup, le visage terne mais l'œil aiguisé. Il scruta alentour: oui, cette partie du désert bougeait toute seule ! Récupérant sa planche tordue tombée sur le sol comme un possédé, il reprit sa course effrénée pour se mettre à glisser sur ces vagues de sable qui ondulaient à perte de vue. Il voguait maintenant, le sable crissant sous son passage, le vent le portant comme un albatros, le soleil l'accompagnant par ses rayons vers l'infini (et au-delà).
Au bout d'un certain temps, l'homme eut l'impression d'apercevoir une silhouette venant du versant sud, par-delà les collines noires. Quelqu'un d'autre, dans ce désert, surfait sur le sable brûlant de la même manière que lui. Sans réellement le vouloir, les deux personnes se rapprochèrent inexorablement, sautant une dune ou deux, zigzaguant au détour d'un cactée ou tournant au gré des rafales vers une destination inconnue. Il finit par la distinguer: elle était svelte, les cheveux au vent, éblouissante de beauté. Sa façon de surfer lui semblait si gracieuse qu'il s'empressa de tenter de la suivre par n'importe quel moyen. Tous deux s'accordaient parfaitement dans cette immensité désertique, filant libre comme l'air sur leur planche respective, en symbiose, sans un mot, sans un geste, dans une sorte de plénitude fusionnelle.
Et puis, l'océan fut en vue. Il scintillait de mille feux, le soleil de midi se reflétant en de multiples petites particules lumineuses s'évadant dans tout l'espace. Le couple s'en rapprochait chaque seconde un peu plus, comme attiré par cette lumière aveuglante. L'excitation les gagnait, trop heureux de découvrir enfin cette eau sacrée si longtemps après avoir traversé ce sordide désert.
Les planches frottèrent les premières vagues, les premiers flots; quelques gouttes perlèrent sur leurs corps, produisant comme une brûlure plus forte encore que ne l'avaient été jusque là les rayons ardents du soleil. Lorsque les vagues commencèrent à augmenter, s'élevant soudainement, l'eau emporta une jambe, puis un bras. Les membres se détachèrent un à un, engloutis par cette masse en continuel mouvement. Les deux êtres tombèrent à l'eau, désarticulés, démembrés, sans qu'ils ne puissent rien y faire. Ils eurent bien quelques sursauts convulsifs, mais pas de hurlement, pas de cri. Ils se désagrégèrent, petit à petit, parcelle après parcelle, brûlant à petit feu dans cette eau salvatrice. Seules leurs planches flottaient encore au milieu de cette immense étendue impitoyable. Puis ils disparurent complètement, redevenant poussière. Et lorsque les vagues auront terminé leur office, ils feront eux-mêmes partie du sable de ce désert... En attendant les prochains visiteurs.

18 mars 2012

Mars, et ça repart

Ça fait longtemps que j'ai pas raconté ma vie sur mon blog. Peut-être trop occupé, et peut-être que plus aucune question existentielle n'avait le temps de pénétrer mon esprit. Et je ne sais pas si c'est l'approche de la trentaine, mais toujours est-il qu'en ce moment, j'suis pas en pleine forme. Je sais pas bien pourquoi non plus... Comme l'impression d'avoir fait fausse route, ou de n'avoir pas fait grand chose. Ce sentiment d'inutilité est très désagréable à petite échelle, et difficilement conciliable au quotidien. On se replace face au monde, face aux autres, et on se pose en se disant: OK, mais c'est quoi l'avenir là au juste ? J'ai pas l'impression que tout ce que je ressens soit nouveau, j'ai toujours été plus ou moins comme ça. Mais c'est comme ressentir de plus en plus pleinement la formidable stupidité de ce que l'on est et de ce qui nous entoure. Une phrase de la série Kaamelott d'Alexandre Astier m'a particulièrement marqué dans le Livre V: "Tout cela n'est rien. Absolument rien ! Il y a peu de temps quelque chose a fait boum. Voilà: nous sommes sur une toute petite miette expulsée par ce boum, qui dérive et tournicote sur elle-même, en attendant sa fin, proche ! Sur cette miette de tous petits organismes gesticulent; ça nait, ça vit, ça meurt. Tout cela n'a aucune conséquence." Carlo Brandt qui interprète Méléagant n'aurait pas pu voir plus juste. Je trouve que ça résume bien ma façon de penser depuis un certain temps. La vie n'est pas grand chose, et pourtant c'est si compliqué à entretenir... Ça me fait simplement dire que la fine pellicule de glace sur laquelle nous sommes en permanence est friable, pouvant céder à tout moment. Alors, quoi ? Il n'y a rien à y faire, et se poser des questions est inutile. On essaye d'agir dans la mesure du possible, et puis, bah, sinon, on ne fait rien. Moi, être heureux, j'en ai rien à foutre au départ. Comme je l'ai souvent dit, c'est de la tristesse et du malheur qu'on fonde quelque chose. Si tout était beau dans ce monde, il me ferait carrément chier. En tout état de cause, c'est le fait de franchir les difficultés qui rendent les évènements magiques. Sauf que j'ai l'impression que ça, les gens n'en ont plus grand chose à cirer. On préfère ressentir de petites joies et subir de petites défaites plutôt que de se poser des questions plus profondes qui changeraient probablement grandement sa façon de percevoir la vie. Avoir peur et être entouré de personnes te permettant d'affronter tes peurs et d'avancer, n'est-ce pas là également quelque chose qui devrait être fait ? Maintenant les gens sont tout seul même au milieu des autres, mais ça a pas l'air de gêner qui que ce soit. Ou alors c'est moi...

366

5 mars 2012

Ken

Cet article ne sert à rien, j'avais juste besoin de faire un test avec une image de Ken en 100x100.

sun_ken_rock_2126731c

Bisous.

Publicité
Publicité
1 mars 2012

Poids lourd

Vous avez peut-être raté cette information capitale, mais il est important que vous le sachiez. Car oui, le monde ne doit pas sombrer dans l'ignorance. Je ne pourrai décemment pas le supporter. Lors d'une funeste réunion ayant eu lieu à la fin de l'année 2011, quelque chose a changé. Les cartes ont été redistribuées. Depuis, l'équilibre du globe ne tient plus qu'à un fil. Trois hommes et une femme ont contribué à changer 2012. Lorsqu'ils se sont réunis, l'idée était pourtant claire et limpide: il leur fallait trouver un milliard d'euros. Un milliard qu'ils auraient perdu bêtement. Cela arrive. Il suffit d'être un peu tête en l'air, d'avoir l'esprit ailleurs ou quoi que ce soit. Ainsi, le Chef parla en ces termes obscurs:
- Mes frères, nous sommes réunis aujourd'hui pour trouver du blé, du pognon, du fric, du pez, autrement dit, des sous. J'écoute donc vos idées les plus lumineuses. Quel nouvel impôt, quel nouvelle taxe pourrions-nous instaurer ? Jean[1], une idée mon ami ?
- On pourrait augmenter la TVA ?
- Mais c'est déjà fait, espèce d'abruti ! N'avez-vous aucune subtilité ? A quoi vous paye-t-on, à part pour débiter autant de conneries à la minute ?
Soudainement, Patrick[2] prit la parole comme si un éclair de génie lui avait traversé les oreilles:
- Moi j'ai un cousin à la tête d'une petite entreprise de disques, et ça va pas fort en ce moment. Il serait pas possible d'obliger les gens à les acheter ? A 10 € par tête de disque, et 50 millions de vente, ça nous ferait 500 millions !
- Ouais... Pourquoi pas...
- On a voulu faire le coup avec René la Taupe et ça a plutôt bien marché...
- Enfin même avec ça, il nous manque encore 500 millions...
Lucienne[1] coupe alors la parole de tout le monde de manière sinusoïdale:
- Moi, ma soeur fait des fromages en Savoie ! Mais par contre mon oncle Robert[3] a une société d'éthylotests et on voudrait se développer. Une idée là-dessus ?
Les yeux du Chef brillèrent. Son sourire se dessina sur son visage narquois. Ses mains se frottèrent, et son corps frémit tout entier. L'idée était née. Il parla alors en ces termes, à haute et intelligible voix:
- Silence, manants ! Je sais maintenant ce que nous allons faire, car je suis le Chef ! Dès le 1er janvier de cette année, disque de stationnement obligatoire dans tous les véhicules ! Dès le 1er juillet de cette même année, éthylotest obligatoire dans tous les véhicules ! Et en cas de contrôle de la gendarmerie nationale, amende pour tous les contrevenants ! Alors bande de moules ?
- Brillant !
- Splendide !
- Magnifique !
- Bien ! Dans ce cas, gardons cela secret, et n'en parlons au grand public qu'à l'aube de l'année 2013, lorsque suffisamment de PV auront été distribués. Car si on peut récolter un milliard de plus au passage, ça sera pas plus mal, n'est-ce pas ?
- Brillant !
- Splendide !
- Magnifique !
Après avoir ri longuement, le groupe se dispersa dans la nuit. La légende dit qu'une personne conduisant un véhicule à l'aube de l'année 2020 aura tellement d'objets obligatoires dans sa voiture que tous les véhicules seront obligatoirement équipés d'une galerie afin de stocker le nécessaire. La galerie sera mise en vente pour un prix hors de taxe de cent euros. Les fixations au prix de 5 € pièce. 4 fixations. Celles-ci devront être remplacées tous les 6 mois, ou tous les 10.000 kilomètres. Aaamen.

[1] Prénoms masqués pour cause de confidentialité.
[2] Maurice pour les intimes.
[3] Le petit.

Publicité
Publicité
L'Oeil de Lynks
Publicité
L'Oeil de Lynks
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 124 535
Publicité