Une nuit parmi d'autres
Il est 1h20. Ça fait longtemps que je ne dors plus que 4 ou 5 heures par nuit, donc je n'ai pas tellement l'impression que ça soit tard. Il faudrait que j'aille me coucher, mais des pensées me taraudent, et puis, comme d'habitude, j'ai pas réellement eu le temps de faire tout ce que j'aurais voulu faire ce soir. Parfois, je me dis que la vie que l'on mène est tracée depuis longtemps. Loin des obligations et des choses que l'on s'impose à soi-même, les autres mènent notre vie sans qu'on ne puisse rien y faire. C'est qu'il faudrait veiller à ne pas les décevoir, tous ces braves gens.
Moi, c'est pas tellement que je n'ai pas envie de décevoir quelqu'un. Disons plutôt que je ne dépose les armes que si je ne vois aucune porte de sortie accessible d'un simple pas. Si, pour arriver à cette porte, je dois risquer de me viander la gueule dans des rochers vingt mètres en contrebas, je ne vois pas bien l'intérêt. On pourra toujours me dire que tout ça n'est qu'une question de probabilité et d'envie, mais préfère-t-on davantage continuer de vivre ou risquer de mourir ?
L'important de tout cela est bien ailleurs, et j'ai l'impression d'avoir déjà eu ce sentiment une bonne demie-douzaine de fois. Je sais pourtant que personne n'y peut rien, mais il n'empêche, c'est toujours aussi désagréable. Un peu comme quand quelqu'un décède. On n'y peut rien. On souffre quand même, tout cela est très fataliste, et on est bien obligé de continuer à vivre pourtant, avec cette douleur qui pourra se révéler être une vraie force parfois.
Après, avec le temps, il paraît que les choses sont différentes, ou du moins atténuées. Le recul efface quelques souvenirs, quelques situations, il ne garde que quelques bons sentiments empruntés de douceur et de joie. On regrette souvent davantage la joie ressentie et procurée que tout autre chose. On oublie le reste et les difficultés, car là n'est pas réellement l'important. OK, quelque chose s'est brisé, la vie est ainsi faite. On a tellement l'impression de ne rien contrôler, d'être dépendant de tout un tas de trucs et de tout un tas d'idées...
Pourtant, me remettre en question, je continue à le faire. Chaque jour un peu plus, dans ma folie intérieure sujette à une perfection impossible à atteindre. C'est justement ce que je pourrai me reprocher. Mais qui connaît son avenir ? Qui sait ce qu'il adviendra demain ? J'aimerais seulement, ce soir, dire à tous ceux qui me sont chers que, oui, je les ai appréciés, je les ai aimés, autant que j'ai pu le faire. Parce que faire plus serait incohérent, parce que faire moins n'est pas dans ma personnalité, je ne regrette rien, j'avance, tout simplement. La logique n'existe pas. Le hasard ne veut rien dire. Le temps est compressé. Nous souffrons autant que nous pouvons nous réjouir de vivre. La mort nous prendra bien assez tôt. Et si elle ne vient pas, vous la regretterez peut-être. Alors ?